Le 19 mars, l’ITII-Normandie et ses partenaires inauguraient le projet HyTII-Seine, un démonstrateur expérimental permettant de produire, stocker et d’utiliser de l’hydrogène de façon sécurisée. Avec de nombreux débouchés dans l’industrie.
Campus de l’Espace, problématiques terrestres. Dans ce lieu d’innovation tourné vers les étoiles, les chercheurs se demandent comment préserver notre planète en décarbonant l’industrie. L’hydrogène apporte une réponse. A Vernon, on souhaite la concrétiser. C’est tout l’enjeu du projet HyTII-Seine (pour « Hydrogen Techs & Innovation for Industry on the Seine axis »). Derrière cet acronyme se cachent cinq partenaires : l’ITII-Normandie, l’INSA Rouen, EDF, HSL Technologies et le cluster normand Hub TEN. Ces établissements d’enseignement supérieur et entreprises ont choisi le Campus de l’Espace pour implanter le fruit de leurs recherches. Le résultat, inauguré au sein des locaux de l’ITII, est un concentré de technologie pas plus grand qu’un container. Sous la houlette de Wilfried Badat, jeune docteur en combustion et mécanique des fluides, les chercheurs ont créé une mini-chaine logistique. Celle-ci produit de l’hydrogène, le stocke de façon sécurisée, le restitue et produit de l’électricité. Le tout en circuit fermé et sans générer de gaz à effet de serre. « Cette technologie innovante permet de lever certains verrous qui bloquent actuellement la généralisation de l’hydrogène, notamment la question du stockage », se réjouit Sandra Thery, directrice opérationnelle de l’ITII-Normandie, « nous sommes très heureux du lancement de ce plateau technique dont le but est d’essaimer la connaissance dans l’ensemble de l’axe Seine. » La vallée représente, en effet, l’un des principaux corridors de l’hydrogène en Europe avec une technologie scrutée par les concurrents allemands et asiatiques.
Un fort soutien de l’Etat et des collectivités
« La démocratisation de l’hydrogène est un enjeu majeur pour notre futur », rappelle François Ouzilleau, maire de Vernon et président délégué de Seine Normandie Agglomération (SNA) en charge de l’attractivité économique et de l’innovation, « cette énergie ne produit pas de CO2 et peut, à terme, assurer l’indépendance énergétique de la France. » Ainsi, le projet HyTII-Seine a bénéficié du soutien financier de l’Etat et des Régions Normandie et Ile-de-France. Ses débouchés sont nombreux : transports lourds, comme les avions et bateaux, ou stations de recharge pour les véhicules légers. Prochaine étape pour les équipes du projet : répliquer ce dispositif, dans un futur proche, à une échelle plus importante sur le territoire de Vernon.
3 questions a
Wilfried Badat
Coordinateur technique du projet HyTII-Seine
Professeur en mécanique des fluides à l’ITII-Normandie
En quoi consiste le démonstrateur HyTII-Seine installé sur le Campus de l’Espace ?
Il s’agit d’un dispositif à but expérimental qui a déjà une dimension préindustrielle. C’est l’étape qui vient après celle du laboratoire, avec des volumes plus importants. Aujourd’hui nous travaillons avec 15 litres. Ça reste un démonstrateur, nous ne commercialisons pas ce que nous allons produire. Il consiste en une « mini-supply chain » de production, de stockage, de déstockage et d’utilisation de l’hydrogène. Notre but est de démontrer que ce type de technologie peut être reproduit à l’échelle de l’axe Seine.
Comment ce démonstrateur fonctionne-t-il ?
D’abord, nous produisons l’hydrogène grâce à notre électrolyseur qui permet de scinder la molécule d’eau. Derrière, on récupère les molécules d’hydrogène et on les stocke. Pour cela, on les capte et on les emprisonne dans une molécule « LOHC » qui a pour effet d’inerter l’hydrogène. Celui-ci n’est plus réactif, donc plus dangereux. Il est ensuite possible de déstocker cet hydrogène grâce à notre deuxième réacteur et de le récupérer pour l’utiliser dans notre pile à combustible et produire de l’électricité. Le LOHC peut ensuite être réutilisé, c’est une boucle fermée.
Qu’apporte cette technologie innovante au monde de l’industrie ?
Le stockage de l’hydrogène est aujourd’hui complexe car il est très dangereux. En effet, les bonbonnes d’hydrogène compressé, couramment vendues en France, sont explosives et inflammables. Or, la Technologie LHOC permet de rendre l’hydrogène inerte et donc de le stocker en toute sécurité n’importe où. Il s’agit donc d’un pas supplémentaire vers la démocratisation de cette énergie, par exemple dans le transport.