Spécialisée dans les doublages, la Vernonnaise Annie Milon a reçu le prix 2019 de l’académie Charles Cros, catégorie création sonore, pour le livre audio Chère Ijeawele de Chimamanda Ngozi Adichie. Mais elle est aussi la voix française de Jennifer Lopez, Rosario Dawson ou Carice van Houten.
Comment êtes-vous devenue doubleuse ?
Après mon bac, spécialité art dramatique, j’ai tout de suite travaillé en tant que comédienne au théâtre et à la télévision. En 1996, on m’a
démarchée pour faire du doublage et je me suis dit que ce serait l’occasion de tester. Ça m’a plu car c’est une façon de jouer des rôles qu’on ne me proposerait pas forcément. Le physique n’est plus une entrave et l’on a accès à tous les rôles en restant caché ! Je me débrouillais bien et
mon nom a vite circulé. Un de mes plus gros rôles a été dans Mensonges et Secrets de Mike Leigh, Palme d’or à Cannes. J’ai également
participé au doublage de Benjamin Button et Men in Black 2, à des documentaires ou du jeu-vidéo.
Comment se déroule une cession de doublage ?
On arrive en studio et le directeur artistique nous raconte l’intrigue. Il y a une régie son et un chef de plateau qui dirige l’enregistrement. On se place debout devant un grand écran et un micro. Le film est divisé en boucles de quelques secondes qu’on visionne pour bien comprendre. Ensuite, il faut lire les sous-titres de l’adaptation française et la faire coller au visage de l’acteur. On joue, on bouge et l’on restitue au mieux le
jeu de l’acteur, il est hors de question d’inventer une autre intention. Cela demande beaucoup de souplesse de jeu et de technique pour faire
en sorte que chaque mot arrive au bon moment et colle à l’écran. On fait souvent plusieurs prises. C’est plus facile de doubler The Rock qu’un
film de Haneke, mais la technique est la même !
Récemment, vous avez été la voix de Mélisandre d’Asshaï dans la série Game of Thrones. Parlez-nous de cette expérience …
C’était très agréable de doubler un anglais si théâtral, presque shakespearien. J’ai apprécié ce personnage mystérieux de sorcière sublime
aux intentions troubles, typique de l’heroic fantasy. J’ai trouvé la fin de Mélisandre sublime, surtout que je l’ai découverte sur grand écran,
j’étais très émue. J’aime les personnages qui comprennent qu’il y a une fin pour tout. Et tous les comédiens vous diront que c’est plus
drôle de jouer des rôles un peu méchants !