« J’ai côtoyé de Gaulle dans les années 30 »
À 103 ans, Fernand Gourbeau vit à la maison de retraite des Nymphéas Bleus à Vernon. Amateur de bridge et de belote, il est aussi passionné de sport et de lecture. Il se tient d’ailleurs régulièrement au courant de l’actualité. Ancien prisonnier de guerre, sa mémoire est infaillible. Fernand Gourbeau retient années et jours des événements qui lui sont chers.
Vernon Direct : Combien de générations compte votre famille ?
Fernand Gourbeau : J’ai deux fils, l’aîné, Jean-Pierre, habite à La Rochelle. Le cadet, Philippe, vit à Epinay-sur-Orge (Essonne). Je le vois souvent. J’ai quatre petits-enfants et sept arrières-petits-enfants.
VD : Vous avez été mobilisé lors de la 2nde guerre mondiale, quels souvenirs en gardez-vous ?
FG : J’ai été mobilisé le 3 septembre 1939. Cela a duré 6 ans. Quand je suis parti, mon fils aîné avait deux ans, à mon retour, il était presque aussi grand que moi ! Le 11 juin 1940, jour de la défaite, j’ai été fait prisonnier. Nous sommes restés en France jusqu’à la mi-septembre à Verneuilsur- Avre. Nous étions enfermés dans un pré entouré de barbelés avec des miradors tout autour, ça a duré trois mois. Puis on est parti en Allemagne dans un camp de travail jusqu’en juin 1941.
VD : Les conditions de détention étaient-elles pénibles ?
FG : À Verneuil-sur-Avre, nous déchargions les trains. On n’était pas trop malheureux. Mais nous étions mal nourris. Après, nous avons été relevés par les Serbes et on nous a envoyés dans des fermes. J’étais dans un patelin à 50 km de Berlin. On n’avait pas faim, on ne craignait pas les bombardements puisqu’on était à la campagne. Mais on ne voyait aucun avenir puisque la moitié de l’Europe était occupée par l’Allemagne.
VD : Où aviez-vous effectué votre service militaire en 1933 ?
FG : J’étais secrétaire d’état-major au 9e escadron du train des équipages au service de la défense nationale dont le bureau était aux Invalides. J’y ai côtoyé pendant un an Charles de Gaulle avant qu’il ne devienne général. J’avais un petit bureau, le sien était à trois mètres du mien. Je ne lui parlais jamais. Un jour, il m’a demandé d’aller lui acheter un paquet de cigarettes.
VD : Comment êtes-vous devenu clerc de notaire ?
FG : J’ai passé mon certificat d’études. Je n’ai pas continué mes études car j’habitais à la campagne. À 15 ans, avant d’être mobilisé, j’ai atterri chez un notaire. Je ne savais pas quel métier faire. Ce fut le hasard. Je n’ai jamais pu taper à la machine à écrire, j’ai toujours écrit à la main. Et j’ai toujours fait mes opérations à la main. J’en ai manié des chiffres. J’ai pris ma retraite en 1972.
VD : Avant de rejoindre les Nymphéas Bleus, étiez-vous déjà venu à Vernon ?
FG : Je suis originaire des Deux-Sèvres. J’ai habité à Etrépagny avec mon épouse. Lorsque j’ai eu ma première voiture, en 1958, nous sommes venus quelques fois à Vernon. En 2001, je suis venu ici pour ne plus rester seul, j’avais tout de même 89 ans. La directrice de l’époque m’a dit, « vous serez centenaire », je n’y croyais pas trop.
VD : Quels sont vos passe-temps ?
FG : Je joue au bridge et à la belote deux fois par semaine. Je regarde des programmes comme Des chiffres et des lettres, Questions pour un champion, Des Racines et des Ailes, Thalassa. J’aime bien le rugby, j’ai regardé la finale du championnat de TOP 14. Ensuite je vais regarder le Tour de France. Je regarde tous les matches de l’Euro. Les Espagnols se sont faits avoir contre l’Italie en huitième de finale. Je suis également les actualités. J’ai vu que la bourse avait fortement chuté depuis que les Anglais ont décidé de quitter l’Europe.
VD : Comment vous portez-vous ?
FG : Depuis que j’ai plus de 100 ans, j’ai des vertiges et mes facultés s’amoindrissent. J’entends moins bien. Avant, je sortais marcher. Je lis avec une loupe mais je ne porte pas de lunettes. J’ai toujours une très bonne mémoire.