Ces terribles hivers vernonnais
La Seine, prise dans les glaces à plusieurs reprises à Vernon, reflète bien la rigueur des hivers vernonnais, dont certains sont déjà rendus difficiles par la guerre. Les Vernonnais doivent alors s’adapter.
C’est en 1558 que remonte le premier témoignage d’un hiver si froid à Vernon. Les blés gèlent et on déplore des décès dus aux températures glaciales. Un document d’époque rapporte « Il (l’hiver) a esté cette année si rude et si fâcheux que l’eau des saints fonts baptismaux a été gelée au fond plus d’un mois durant. »
En 1656, la Seine est prise dans les glaces durant 15 jours. Quelques années plus tard (1678-1679), la navigation est interrompue durant trois mois à tel point que le fermier des bacs de Vernonnet et de Fourneaux doit faire ouvrir dans la glace des tranchées pour le passage des petits bateaux qui transportent les quelques personnes voyageant pour affaires.
Tous les fleuves sont gelés
Surnommé le Grand Hiver, l’hiver 1709 touche toute l’Europe. Tous les fleuves gèlent jusqu’à leur embouchure (-26° à Paris, -17° à Marseille). Les intempéries rendent le ravitaillement par bateau de Paris impossible durant trois mois. La grande famine et la crise financière sont directement liées à ces événements. La Seine est à nouveau couverte de glace plusieurs mois en 1783-1784 si bien que Louis XVI décide de faire allumer des feux publics dans les rues.
Les Vernonnais ne sont pas au bout de leurs surprises. De 1784 à février 1785, la neige couvre la terre de 18 pouces d’épaisseur soit 45,72 centimètres. La Seine est à nouveau barrée par les glaces à deux reprises (1840 et 1870).
Avant-coureur de la Révolution, l’hiver 1788-1789, voit la Seine et le Rhône geler jusqu’à la mer. À Paris, on compte 86 jours de gel et -22°. En 1829-1830, les fleuves et rivières de France gèlent à nouveau et deux mètres de neige tombent en Normandie. En plus de subir la guerre, les Vernonnais font face à un terrible hiver en 1870 (-15°). La neige tombe dès novembre à Vernon et s’invite sur les terres durant plusieurs mois. Les troupes allemandes traversent la Seine à Moulineaux en marchant sur la glace. L’hiver suivant, la température diminue si rapidement que la Seine se congèle en quelques heures. Les bateaux ont à peine le temps d’accoster.
Le pont des Invalides s’écroule
1879-1880 se révèle difficile avec 75 jours de gel à Paris (-25,6° à Saint- Maur, Val-de-Marne). À Paris, le pont des Invalides s’écroule sous la pression de la glace et les trains sont bloqués dans de nombreuses régions par 1,5 mètre de neige.
Selon Jean Castreau, antiquaire à Vernon, « 1895 demeure le plus rude hiver de mémoire humaine. La Seine avait complètement gelé, l’armée est venue faire sauter les glaces. Ils craignaient que les piles du pont ne cèdent à la pression ». Les Vernonnais connaissent probable- ment l’histoire d’un cheval attelé à une charette traversant la Seine, mais dont aucune photo n’atteste la véracité des faits. Les hivers 1938-1939 et 1939-1940 voient flotter d’énormes blocs de glace sur la Seine dont Jean Castreau se souvient : « Ils étaient aussi gros que des voitures. »
En 1941-1942, l’hiver est encore rigoureux. Le manque de combustible touche le plus grand nombre de Vernonnais, il n’y a plus de charbon, les forêts de Vernon et de Bizy sont exploitées au maximum par la population qui tente de trouver du bois mort. Pour l’heure, espérons que l’hiver 2016-2017 soit aussi doux que ceux des dernières années.