Urbaniste et paysagiste
Des jardins pour les citadins
Urbaniste et paysagiste de renommée internationale, il révèle la nature qui sommeille au coeur de chaque ville. Thierry Huau explique comment il travaille au réaménagement paysager du nouvel éco-quartier Fieschi.
Vernon Direct : Comment décide-t-on de devenir urbaniste et paysagiste ?
Thierry Huau : Ma porte d’entrée dans ce métier a été ma passion du végétal que j’ai développée dès l’âge de 12 ans. La nature était pour moi très importante. J’ai eu la chance d’être élevé dans des collèges qui étaient de véritables jardins botaniques. Cela a influencé mon regard sur l’aménagement et sur le beau. La présence du végétal m’a toujours semblé essentielle pour la qualité de vie, en ville également. Aujourd’hui, pouvoir accéder à un jardin à quelques centaines de mètres de chez soi est pratiquement la demande numéro un des populations. Le végétal crée un juste équilibre entre la ville et la nature en son cœur. La devise de Vernon, « toujours vert », faisait allusion à la culture des plantes aquatiques aux abords de cette ville posée sur un fleuve. Cette ville peut revendiquer ce titre, avec ses mailles de tilleuls et de jardins. Simplement, on a oublié ce que c’était, on a oublié de valoriser ce patrimoine. Aujourd’hui, la Ville a repris en main ce patrimoine naturel complémentaire au patrimoine bâti. A Fieschi, je révèle ce patrimoine et ce n’est pas par hasard qu’en décidant ce quartier j’ai choisi comme centre l’ancien jardin potager du couvent des Capucins. C’est très symbolique, c’est un lieu que Napoléon avait préservé au moment où il a installé sa caserne. Et dans un jardin potager, on a beaucoup de choses à se dire. Les jardins, qu’on appelle à New York « jardins communautaires », sont devenus très à la mode parce que ce sont des lieux d’échange et de partage.
« Aujourd’hui, la Ville a repris en main ce patrimoine naturel complémentaire au patrimoine bâti. »
VD : En fait vous vous appuyez sur la part de nature déjà présente dans la ville.
Thierry Huau : Il m’a semblé que cette identité avait été gommée depuis la guerre. Fernand Léger avait choisi Vernon comme « atelier du Nord », en allusion à « l’atelier du sud » de Van Gogh autour d’Arles. Il avait été séduit par cette présence très préservée de la nature en ville. Vernon a un potentiel exceptionnel. Et à plusieurs niveaux, que ce soit le long de son fleuve, dans sa forêt, par ses grandes allées plantées (l’avenue des Capucins possède plus de 500 tilleuls classés)… La friche, par définition, c’est aussi un écosystème naturel qui recolonise un lieu, entre les dalles, les trous d’eau, les espaces qui ont évolué et qui donnent à ce parc une dimension mémorielle.
VD : Quelle est votre vision d’ensemble pour aménager ce futur éco-quartier Fieschi ?
Thierry Huau : Depuis que les murs ont été découpés, vous voyez apparaître les « jardins de la biodiversité ». Ce sont un ensemble de jardins en crues qui permettent de récupérer les eaux de ruissellement du quartier pour alimenter une faune et une flore très spécifique. J’ai planté le premier jardin de saules, de roselières, d’iris, de graminées, de toutes sortes de fleurs, de plantes vivaces et de fruitiers. Je souhaite faire un lien entre les parties les plus bâties et les parties les moins bâties. Ce premier jardin très symbolique donne le ton du quartier. Il vient conforter l’autre jardin, préservé : le potager. Il va devenir le cœur de vie du quartier. Dans un deuxième temps, la place qui s’ouvre devant le couvent des Capucins va être composée d’une série de placettes et de jardins. Derrière, les promenades plantées qui vont s’étendre jusqu’à la nouvelle clinique seront des lieux de déambulations, de lumière, atour duquel vont se bâtir les futurs habitats.