Docteur en esthétique, Vincent Lecomte étudie le lien entre l’homme et les autres vivants dans l’art contemporain. En écho à l’exposition « Homo Bestia », il donnera une conférence au Musée le 16 février à 17h.
Avec l’artiste Emma Barthère, vous cosignez le catalogue de l’exposition. Comment cette rencontre a-t-elle eu lieu ?
J’ai découvert son travail grâce à Homo Bestia et je l’ai trouvé très intéressant. Dans ses photographies, elle convoque l’animalité et le rite, de manière étrange et familière, pour parler d’un désir de réconciliation avec l’environnement. Au fil des photos, la différence entre l’humain et d’autres animaux s’estompe. On a l’impression d’une image arrêtée au sein d’un rythme et, dans cette narration-là, une continuité entre les espèces apparaît et nous ramène à notre animalité humaine.
Qu’est-ce que la fusion homme-animal, au cœur de ces photographies, vous évoque ?
Dans son œuvre, Emma reprend une esthétique qu’on retrouve dès la préhistoire. L’art rupestre présente déjà des figures chamaniques mélangeant humains et animaux cornus, par exemple. Cette métamorphose nous interroge. On la retrouve dans certains mythes comme celui du chasseur Actéon, raconté par Ovide. Ces légendes questionnent notre rapport au désir et la relation de l’humain au reste du vivant. Elles mettent en relation la fascination, l’attirance et la répulsion pour cette animalité, laquelle fait intimement partie de l’être humain. Dans cette fusion, on trouve un potentiel narratif très fort qui nous oblige à interroger le point de vue humain.
Par le biais de l’art, que peuvent nous apprendre les animaux ?
Il y a tout un pan de l’art qui travaille sur les animaux afin de questionner l’homme dans sa spécificité. Cela a aussi pour but de dénoncer ce que l’humain fait subir au vivant. C’est finalement quelque chose d’assez ancien dans l’histoire de l’art et c’est une ressource inépuisable qu’Emma utilise avec talent.